L’Invisibilité des femmes de plus de cinquante ans
- Equality Time
- 12 sept. 2022
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 31 oct. 2022
Par Mélodie KRAJCMAN.

Après avoir assumé ses cheveux gris naturels, Lisa Laflamme, présentatrice d’un journal télévisé Canadien depuis 2011, a été licenciée. Selon un rapport du Global and Mail, ce choix capillaire aurait été l’un des motifs de son licenciement.
Ce n’est pas la première fois que l’âge d’une femme est source de discrimination. Comme rapporté par Lucio Bizzini dans son manuel Gérontologie et société, le phénomène d’« âgisme » peut refléter un certain malaise face à la vieillesse, une assimilation de l’âge mur à la maladie, à l’impuissance ou même à l’inutilité. Car en effet, quoi de plus inutile dans une société patriarcale qu’une femme une fois ménopausée. Elle ne peut plus procréer, ce qui lui devait son rang de mère, et n’est plus aussi séduisante qu’à vingt ans, ce qui lui devait son rang de femme. Ni mère ni femme, sa place est celle de l’ombre, se devant honteuse et invisible. Il faut cacher ses rides, comme nous le fait remarquer une étude de 2015 menée par Nivea, où 84% des femmes françaises interrogées utilisent un produit anti-âge quotidiennement.
Mais il faut aussi cacher son corps « fripé », sous-représenté dans la publicité et le mannequinat. Si les personnes cinquantenaires et plus peuvent de temps à autres faire une apparition, leur représentation manque souvent de réalisme, entre botoxe et retouches. Quant aux seniors, ils sont très majoritairement utilisés pour venter un produit associé au vieillissement. A en croire certaines marques, un cops féminin ne doit vieillir et si tel est le cas, il ne pourra être associé à autre chose que sa vieillesse. Pourtant, via son projet « Belles Mômes » exposant une série de photos de femmes mûres et nues, la photographe Clélia Odette démontre qu’un physique qui a vécu a une histoire, une beauté, qui n’a rien d’honteux. Il a tout pour être aimé et être vu.
Ce n’est pourtant pas ce message bienveillant qui est transmis par le grand écran, en tout cas, concernant les femmes. En effet, comme le souligne la philosophe Camille Froidevaux-Metterie, passé la cinquantaine, un « fossé se creuse » entre la visibilité des hommes et celle des femmes. 75% des personnages de plus de 50 ans dans le cinéma européen sont des hommes (podcast « la femme invisible » radio France). A Hollywood, la différence d’âge au sein des couples est chose commune. Dans le film Happiness Therapy, Bradley Cooper a 42 ans tandis que l’interprète de son grand amour, Jennifer Lawrence, en a 26. De même pour le film culte Pretty Woman où l’écart d’âge des deux acteurs s’élève à dix-huit ans. Dans une entrevue, l’actrice américaine Maggie Gyllenhaal avoue même qu’à 37 ans, elle avait été jugée « trop vieille pour être l’amante d’un homme de 55 ans ». Dans les représentations cinématographiques, l’amour de la femme ne dépasse pas cinquante ans.
Pourtant, le vieillissement de l’homme n’est pas synonyme de péremption ou d’invisibilité. Au contraire, l’homme « d’âge mur » peut même être séduisant et se permettre de séduire plus jeune que soit. Ainsi, l’écrivain Yann Moix avoue être « incapable d’aimer une femme de son âge », à savoir cinquante ans, car « trop vieille ». La rupture récente de Leonardo DiCaprio avec sa petite-amie alors âgée de 25 ans a d’ailleurs montré que la plupart de ses compagnes n’ont jamais dépassé le quart de siècle. Bien que l’inverse soit observable, « l’idée qu’une femme âgée puisse être séduisante et difficile à accepter » (Sylvie Chaperon, historienne chercheuse).
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Passé cinquante ans, la femme se retrouve sous-représentée, comme invisible aux yeux de la société. Pour Mona Chollet dans Sorcières, la puissance invaincue des femmes, cette invisibilité crée un « sentiment d’obsolescence programmée », une certaine solitude provoquant une « hantise de la péremption qui marque toute l’existence des femmes ». Si la vieillesse est synonyme de disparition, la plupart des femmes sont presque condamnées à la peur de vieillir et de s’y refuser. Heureusement, ce n’est pas le cas de toutes : Catherine Grangeard, auteure du livre Il n’y a pas d’âge pour jouir, voit la ménopause comme une libération de la fonction reproductrice permettant à chacune de vivre en prenant pleinement soin de soi.
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